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Maîtrisez les 4 S de la perception pour mieux déléguer et éviter les malentendus

  • danielmikulowicz
  • 27 oct.
  • 6 min de lecture

Daniel Mikulowicz, Maria Mikulowicz


Avez-vous déjà vécu une situation où le résultat final d'une tâche déléguée vous a complètement déstabilisé, car il était loin des attentes ? Les malentendus arrivent à tout le monde, tous les jours. Pourquoi ? Parce que nous sommes humains. La psychologie de la perception propose quatre points à considérer pour améliorer la communication avec des personnes neurotypiques et neuroatypiques.


Les principes de la perception ont un caractère universel — ils concernent chacun d’entre nous — mais nous différons dans la manière dont nous les vivons : certains sont plus sensibles à l’image, d’autres préfèrent le mot écrit ; pour certains, le calme et le temps sont essentiels, tandis que pour d’autres, un ordre précis du contenu sur lequel ils travaillent est très important. Ainsi, de simples ajustements qui améliorent la communication profitent à tous, et soutiennent particulièrement les personnes aux profils cognitifs différents.


L’objectif de cet article est d’approfondir la compréhension des principes des « 4 S » (suppositions, structure, survol, surévaluation du négatif), afin de minimiser les malentendus dans la délégation des tâches et d’obtenir les résultats attendus. Passons donc aux quatre « S » et voyons comment les transformer en pratiques concrètes de délégation au quotidien.


1. Suppositions

Commençons par l’illusion d’optique célèbre dite « Ma femme et ma belle-mère ». Que voyez-vous sur cette image ?

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La perception de cette illusion offre un aperçu de la manière dont le cerveau traite l’information. Lorsque nous regardons l’image, le cerveau formule automatiquement des suppositions à partir des informations reçues par les yeux. Ces suppositions sont influencées par les expériences et les croyances antérieures. Si les lignes et les formes ont toujours été associées à une jeune femme, le cerveau continuera à interpréter l’image ainsi. Cependant, si l’image est présentée dans un autre contexte, par exemple en demandant de voir la femme âgée, le cerveau ajuste spontanément l’interprétation. Cette capacité d’ajustement rapide en fonction d’informations nouvelles est une caractéristique remarquable de la perception humaine.

(Savez-vous que ...cette illusion est apparue pour la première fois sur une carte postale allemande en 1888, puis a été popularisée par le professeur Edwin Boring, qui l’a incluse dans un article publié dans l’American Journal of Psychology en 1930 ?)


Comment l’appliquer 


  • Explicitez les objectifs, les délais et les priorités, en distinguant l’essentiel de l’accessoire, afin d’orienter le temps et l’énergie là où ils sont le plus utiles.

  • Posez des questions pour clarifier les points ambigus ou incompris.

  • Demandez une courte reformulation des objectifs et des critères — une méthode simple pour aligner les cartes face à des styles de pensée différents.

  • Fournissez un retour régulier afin de corriger rapidement d’éventuels malentendus ou erreurs.

  • Pour les profils cognitifs variés, proposez des formats alternatifs : résumé court écrit, listes à puces, graphiques simples ou exemples brefs.


2. Structure

Sur quelle image est-il plus facile de compter le nombre de marteaux de chaque couleur (A ou B) ? 

A. 

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B.

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Bien sûr, les marteaux sur l’image B sont plus faciles à compter, car ils sont organisés en colonnes et triés par couleur. En psychologie de la Gestalt, ce phénomène s’appelle le principe de proximité.


Comment l’appliquer 

  • Regroupez les tâches connexes en étapes cohérentes (par exemple, toutes les étapes de préparation des documents), ce qui réduit les changements d’attention et améliore la cohérence.

  • Créez des routines et des listes de vérification ; utilisez une nomenclature cohérente et des modèles simples.

  • Pour certaines personnes, deux listes peuvent être utiles : « jours à haute énergie » et « jours plus courts » — c’est une flexibilité, pas un privilège.

  • Ajoutez des échéances intermédiaires (jalons) et une définition claire de la « fin de tâche» — une conclusion nette facilite la concentration.

  • Indiquez le canal de travail (par exemple, uniquement des commentaires dans le document) pour limiter le bruit informationnel.


3. Survol

Que voyez-vous sur ces images ?


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Il est très probable que la réponse soit « un cercle et un carré » plutôt que « une série d’éléments ». Ce phénomène, appelé principe de clôture en psychologie de la Gestalt, consiste à combler les éléments manquants pour percevoir un ensemble complet. Or, dans le travail, chacun peut combler des informations manquantes selon son expérience ou ses croyances, et le résultat final peut s’éloigner des attentes du gestionnaire.


Comment l’appliquer

  • Donnez une vue d’ensemble, explicitez la finalité, les parties prenantes et les interdépendances ; même si la personne n’effectue qu’une partie du travail, la compréhension du contexte renforce le sens et l’engagement.

  • Situez la tâche dans le flux global, précisez ce qui n’est pas demandé et fournissez, si possible, un exemple de livrable attendu.

  • Joignez un exemple de résultat achevé (capture d’écran, extrait de texte, mini-maquette) — c’est plus rapide qu’un long discours.

  • Réduisez le « bruit interprétatif » en utilisant un langage simple, évitez les métaphores pouvant être comprises différemment.

  • Si possible, montrez une « carte de flux » en trois étapes : départ → contribution → résultat ; beaucoup de gens pensent en images et apprécieront ce guide visuel


4. Surévaluation du négatif


Mise en situation : imaginez qu’aujourd’hui : 

a) vous avez gagné 100 $ ou

b) vous avez perdu 100 $. 


Question : qu’est-ce qui provoque des émotions plus fortes ?


La majorité des personnes ressentent des émotions plus intenses face au scénario b, ce qui illustre le biais de négativité, tendance à remarquer, retenir et surpondérer les événements négatifs par rapport aux positifs. Trois dimensions caractérisent ce biais : l’importance, la dominance et la contagion de la négativité.


  • Importance de la négativité : les individus accordent davantage de poids aux informations négatives qu’aux positives.

  • Dominance de la négativité : lorsque positif et négatif coexistent, le négatif domine l’impression générale.

  • Contagion de la négativité : des éléments négatifs peuvent « contaminer » des éléments neutres ou positifs.


Comment l’appliquer

  • Prendre conscience du biais : reconnaître que le cerveau surpondère spontanément le négatif, ce qui peut fausser la communication et l’évaluation des performances.

  • Équilibrer les retours : associer chaque point d’amélioration à des éléments positifs concrets pour éviter une focalisation excessive sur les erreurs et préserver l’auto-perception.

  • Privilégier une communication factuelle et mesurée, sans doubles négations ni formulations floues.

  • Utiliser des critères d’évaluation précis et partagés pour limiter la subjectivité.

  • Limiter la rumination : concentrer les échanges sur les solutions et les apprentissages tirés des difficultés.

  • Prenez en compte que les personnes neuroatypiques peuvent avoir une réaction plus intense ou différente à la critique et à la perception d’informations négatives, ce qui nécessite une approche encore plus délicate et individualisée.

  • Offrez diverses formes de réception des retours (par exemple, écrits, oraux ou visuels) pour permettre un traitement et une réflexion à leur propre rythme.

  • Fournissez un soutien clair et précis sur les prochaines étapes afin de réduire l’incertitude et le stress liés à l’évaluation.


Conclusion

Déléguer efficacement dans des équipes neurodiverses suppose de rendre explicites les attentes, de structurer l’information, d’offrir un survol clair et de maîtriser la surévaluation du négatif. En appliquant les « 4 S », gestionnaires et RH favorisent des consignes robustes, des attentes partagées et des environnements où personnes neurotypiques et neuroatypiques peuvent donner le meilleur d’elles-mêmes.

Concrètement, il s’agit d’installer des micro‑habitudes : préciser l’objectif, les critères d’acceptation et le périmètre; proposer des formats alternatifs (écrit, visuel, exemple de livrable) pour faciliter la compréhension; découper les tâches en étapes avec des jalons; expliciter les canaux de travail; et ritualiser un feedback régulier, factuel et mesuré. Ces gestes réduisent le bruit interprétatif, limitent l’effet de négativité et rendent les résultats plus prévisibles.

La force des « 4 S » réside dans leur universalité : elles allègent la charge cognitive, favorisent l’engagement et fluidifient la collaboration, quelles que soient les préférences individuelles. Commencer petit — un format d’instruction plus clair, une courte liste de contrôle, un exemple concret — puis ajuster au fil des retours suffit souvent à transformer l’expérience de la délégation. Avec de petites améliorations régulières, les équipes gagnent en clarté, en sérénité et en performance, et chacun peut donner le meilleur de soi.



Bibliographie

Armstrong, T. (2010). The power of neurodiversity: Unleashing the advantages of your differently wired brain. Da Capo Lifelong Books.

Baumeister, R. F., Bratslavsky, E., Finkenauer, C., & Vohs, K. D. (2001). Bad is stronger than good. Review of General Psychology, 5(4), 323–370.

Boring, E. G. (1930). A new ambiguous figure. The American Journal of Psychology, 42(3), 444–448.

Koffka, K. (1935). Principles of Gestalt psychology. Harcourt, Brace.

Wagemans, J., Elder, J. H., Kubovy, M., Palmer, S. E., Peterson, M. A., Singh, M., & von der Heydt, R. (2012). A century of Gestalt psychology in visual perception: I. Perceptual grouping and figure–ground organization. Psychological Bulletin, 138(6), 1172–1217.

 
 
 

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